CSRD : vers un horizon plus durable
« Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement... » : cette citation - communément attribuée à Bouddha - illustre parfaitement la nécessaire transformation continue que doivent opérer les entreprises européennes. Avec l’entrée en vigueur progressive de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), les entreprises devront désormais se montrer beaucoup plus transparentes sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La mesure vise à renforcer l’action des acteurs économiques et à harmoniser les pratiques de reporting, pour une finance pleinement impliquée dans la durabilité. Derrière cette évolution réglementaire, une question se pose : comment transformer cette contrainte en opportunité pour construire un futur durable ?
Un cadre plus exigeant, pour le meilleur
La , qui remplace la précédente directive sur le reporting non financier (NFRD), élargit considérablement son champ d’application. Elle concerne désormais (à compter de l’exercice 2024) non seulement les grandes entreprises européennes, mais aussi celles implantées hors UE réalisant des activités significatives sur le marché européen. Les PME cotées bénéficient d’un délai : elles ne devront publier leur premier rapport qu’en 2027, avec la possibilité - sous conditions - d’une période transitoire de deux ans.Plus question d’enjoliver ses pratiques en se « cachant » derrière des rapports superficiels ou partiaux : dorénavant, les entreprises vont devoir respecter des normes strictes, les European Sustainability Reporting Standards (ESRS), et faire auditer leurs données ESG. Pour nombre d’organisations, cette remise à plat peut sembler intimidante, voire compliquée. D’autant plus que les doutes et les interrogations sont légion. En témoigne la récente étude conduite par en partenariat avec Euronext Corporate Services, Bpifrance, LCL et l’association Orée, dans laquelle 57 % des entreprises répondantes déclarent être mal ou très mal informées sur les obligations liées à la CSRD.Et si cette directive oblige les entreprises à se poser des questions qu’elles n’avaient jamais envisagées auparavant, la démarche peut être abordée comme une opportunité de devenir plus transparent et de montrer que l’entreprise agit pour le bien commun.
Un état des lieux essentiel
Avant de se lancer dans cette nouvelle dynamique vertueuse, il convient d’établir une cartographie des pratiques existantes. La première étape consiste donc à évaluer la maturité actuelle en matière de durabilité. Quelles données sont disponibles ? Quels sont les processus existants ? Où se situent les lacunes ? Quels sont les freins sous-jacents ?
C’est également l’occasion d’impliquer les équipes internes, dans une logique de co-construction de la démarche. Toutes les directions (finance, juridique, RH, commerce, production, RSE...), doivent collaborer pour relever le défi. Autrement dit, la CSRD n’est pas un sujet que l’on peut déléguer au seul département spécifiquement en charge de la RSE. Il s’agit d’une démarche collective, qui associe nécessairement toutes les strates de l’organisation.
De la conformité à la stratégie
Pour tirer pleinement parti de cette directive, il est crucial d’aller au-delà de la simple conformité. Une analyse de matérialité, qui identifie les priorités ESG de l’entreprise et de ses parties prenantes, devient incontournable. Les résultats de cette phase d’étude doivent ensuite guider la prise de décisions stratégiques.
Force est de constater que la CSRD oblige les décideurs à penser différemment : après avoir pendant des années été plutôt considéré comme un sujet annexe, le développement durable est aujourd’hui appelé à devenir le cœur de métier des entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.
Des outils pour réussir la transition
Se conformer aux nouvelles exigences requiert des moyens adaptés. Les entreprises doivent se préparer à investir dans des outils numériques pour collecter, analyser et rapporter leurs données ESG. Automatiser ces processus peut grandement simplifier la tâche et réduire le risque d’erreurs. Une démarche d’autant plus utile que plus d’un tiers (36 %) des répondants de l’étude Tennaxia reconnaissent ne pas avoir encore localisé l’intégralité des données nécessaires à leur reporting CSRD...
Ces efforts ne peuvent pas s’arrêter là : les données doivent être vérifiables et auditables par des organismes certificateurs indépendants, car la CSRD exige un niveau de rigueur comparable à celui des rapports financiers. À ce titre, l’étude Tennaxia met l’accent sur le rôle clef des DAF dans le processus de conformité CSRD. En 2024, 89 % des répondants (+ 15 points par rapport à 2023) soulignent l’implication grandissante des directions financières, fortes de leur expertise en matière d’audit et de reporting.
Un message à faire passer
Au-delà des chiffres, les entreprises vont devoir apprendre à raconter une histoire... leur histoire. Ainsi, la CSRD est une opportunité de partager une vision, de montrer comment l’entreprise contribue concrètement à un avenir meilleur.
On l’aura compris, les rapports de durabilité sont bien plus que des documents réglementaires. Ce sont des outils pour dialoguer avec les investisseurs, les clients, les partenaires, les fournisseurs et aussi bien sûr avec les collaborateurs. Si l’entreprise montre qu’elle agit de manière authentique, elle peut renforcer la confiance, l’engagement et la loyauté de ses parties prenantes, avec à la clef la création d’une boucle vertueuse autour de son écosystème.
Transformer une obligation en avantage concurrentiel
Certes, la CSRD dicte de nombreuses exigences. Mais pour les entreprises qui joueront pleinement le jeu, elle offrira de nouvelles perspectives de croissance durable et de belles promesses : renforcer leur crédibilité vis-à-vis de leurs clients, attirer des investisseurs responsables et les futurs talents, partir à la conquête de nouveaux marchés, et même réinventer leur modèle économique.
Nous vivons un moment charnière. Grâce à la mise en place d’indicateurs standardisés, la CSRD introduit un principe d’étalonnage facilitant la comparaison factuelle des entreprises ; ce qui devrait les inciter à aller plus loin dans leurs engagements en faveur du climat, de la biodiversité, des droits humains, de la diversité et de l’inclusion. Les entreprises qui sauront s’adapter ne seront pas seulement conformes. Elles seront reconnues parmi les pionnières, dans un monde où la durabilité s’impose chaque jour davantage comme une nécessité, et non un simple choix.
Avec la CSRD, l’Union européenne place la barre plus haut. À présent, c’est aux entreprises de prouver qu’elles vont se montrer à la hauteur des enjeux.